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“Soleil Vert”: Une dystopie ? 

Qui aurait pu prédire que l’année 2024 serait officiellement l’année la plus chaude jamais enregistrée, dépassant le cap symbolique des +1,5°C ? La réponse : tout le monde, pour peu qu’ils n’aient pas habité dans une grotte ces derniers 25 ans (et dont le nom de famille ne commence pas par un T et termine en RUMP) mais surtout, Richard Fleischer dans son film “Soleil Vert”. 

Sorti en 1973, le film se déroule à New York en 2022. Les ressources naturelles ont été épuisées, les températures sont étouffantes à cause de la crise climatique, la ville est surpeuplée et les citoyens sont contraints de se nourrir d’aliments reconstitués insipides appelés “soleils”. C’est dans ce contexte qu’évolue Frank Thorne, un détective qui enquête sur l’assassinat d’un homme faisant partie de l’élite de la ville. Le contraste est frappant ; les riches ont accès à l’eau courante, à la climatisation, à des légumes frais et même à du bœuf ! Bien que dystopique, ce film a tout de même prédit de nombreux phénomènes que nous vivons aujourd’hui. 

Soleil Vert est l’un des premiers films à tirer la sonnette d’alarme concernant la crise climatique. Pourtant, l’existence de l’effet de serre a été découverte au cours du 19e siècle. 

Pourquoi a-t-il fallu attendre 1973 pour que la première sonnette d’alarme soit tirée au cinéma ?

Au début du 20ᵉ siècle, l’impact de l’Homme sur la production de CO2 n’avait pas encore été prouvé. C’est pourquoi le climat n’est pas au centre de l’attention au début du 20ᵉ siècle. Les discussions autour du climat reprennent au cours des années 50 quand l’augmentation des taux de CO2 atmosphérique est calculée pour la première fois.

Dans “Soleil Vert”, la crise climatique est illustrée uniquement par l’augmentation des températures. Or aujourd’hui, on préfère caractériser la crise environnementale de “changement climatique”, plutôt que de “réchauffement climatique”. En effet, bien que les températures globales soient en nette augmentation (cf. le seuil des +1,5°C atteints en 2024), le changement climatique peut également entraîner d’importantes précipitations. De plus, des phénomènes naturels, tels que La Nina ou El Nino, s’accumulent aux effets du réchauffement global, pouvant entraîner des phénomènes climatiques inhabituels. Ainsi, il est important de noter que parler de “changement climatique” peut également être un argument pour lutter contre les mouvements climatosceptiques qui aiment ressortir le vieil adage “qu’ils ont eu de la neige un jour en avril dernier et que donc il n’y a pas de réchauffement climatiqueuh”. Vous pourrez donc leur répondre que c’est pour cette raison que nos aïeux ne plantaient pas d’arbres avant les Saints de Glace (à la mi-mai) mais surtout que c’est pourquoi aujourd’hui, on parle de “changement” plutôt que de “réchauffement”, mais je m’égare un peu. 

Dans le film, le monde est touché par une importante surpopulation avec plus de 40 000 000 d’habitants à New York. La surpopulation est telle que les citoyens sont obligés de s’entasser pour dormir dans des cages d’escalier.

Aujourd’hui, en 2024, la population de New York a atteint les 8 000 000 d’habitants. Bien loin, donc, des 40 000 000 annoncés par Soleil Vert. Malgré l’augmentation des populations et même si des mouvements migratoires sont prévus pour fuir des zones atteintes par des catastrophes climatiques, il semble peu probable que la population de New York atteigne ce chiffre. En effet, New York sera loin d’être l’une des villes les plus épargnées par la crise climatique. Le poids des gratte-ciel et le sol argileux entraînent un affaissement progressif de l’île, faisant craindre d’importantes inondations dans les années à venir. Ce ne sera donc probablement pas très agréable de vivre à New York dans le futur, à moins d’aimer les pataugeoires.

Mais, au-delà des problèmes de surpopulation, la principale difficulté que rencontrent les habitants de New York dans “Soleil Vert”, c’est l’accès aux ressources. Là où les riches peuvent se permettre de manger des légumes et de la viande, les pauvres sont obligés de manger de la nourriture reconstituée. Bien que nous n’en soyons pas rendus à manger des “Soleils”, il est aujourd’hui primordial de repenser nos modes de consommation. À commencer par manger moins de viande, qui est l’un des principaux émetteurs de gaz à effets de serre. Ainsi qu’en mangeant local et de saison. Ou de devenir très riche, à vous de voir ce qui vous paraît le plus atteignable…

Ainsi, “Soleil Vert” était une révolution à son époque puisqu’il était le premier film à traiter du changement climatique. Il a su anticiper la crise climatique, les problèmes de surpopulation (bien que légèrement sur-estimée) ainsi que les inégalités d’accès aux ressources. Il est communément admis que les dystopies ne prédisent pas le futur, elles critiquent le présent. Un présent où la crise climatique n’était pas prise au sérieux ni mise en avant malgré les rapports des scientifiques de l’époque. Et un présent où l’accès inégal aux ressources était déjà au cœur de nombreuses discussions.

Presque 50 ans après, ces problématiques ne sont toujours pas résolues. À craindre que le scénario dystopique ne devienne un jour réalité.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Anna Graffmann (20 décembre 2024). “Soleil Vert”: Une dystopie ? . Le Grand public. Consulté le 10 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12zd8


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