Mais où disparaissent les moustiques en hiver ?

Ah ! L’été ! Sa chaleur, ses soirées au bord du feu, ses barbecues et ses moustiques… Les moustiques ! Avec leurs “bzz” incessants, ces satanés nuisibles pourraient presque nous faire préférer l’hiver à l’été. Puis en hiver, soudainement, les sales bestioles nous laissent tranquilles. Mais comment les moustiques survivent ils à l’hiver pour revenir nous embêter quand le printemps pointe le bout de son nez ?

Nous avons rencontré Bruno Mathieu, enseignant chercheur en entomologie médicale à l’IPPTS (Institut de Parasitologie et Pathologie Tropicale de Strasbourg) et la Faculté de Médecine de Strasbourg. Depuis 2014, Bruno travaille en lien avec le Syndicat de Lutte contre les Moustiques (SLM 67) du Bas-Rhin pour trouver de nouvelles façons de réduire les nuisances dues aux moustiques tigres. 

“Les moustiques ont quatre phases de développement : l’œuf, le stade larvaire aquatique, la nymphe aquatique et les adultes aériens.”, explique Bruno. Les femelles pondent leurs œufs à proximité de points d’eau. Une fois qu’ils éclosent, les larves qui en sortent se développent en milieu aquatique. Pour respirer, les larves remontent à la surface de l’eau et respirent l’oxygène aérien, par un petit siphon. Elles filtrent la matière organique contenue dans l’eau pour se nourrir. Lorsqu’elles sont suffisamment grosses, les larves se transforment en nymphes d’où éclosent, à terme, les moustiques adultes.

Dans le cadre d’un projet Interreg (un programme de coopération européen), nommé TIGER (2018-2020), Bruno et sa doctorante ont observé comment Aedes japonicus, une espèce invasive cousine du moustique tigre, passait l’hiver. 

“Chez les moustiques, il existe trois stratégies de survie différentes.”

“La première, qu’utilisent Aedes japonicus et le moustique tigre, c’est de passer l’hiver sous forme d’œufs.”. Vers la fin de l’été, les femelles commencent à pondre des œufs en “diapause”. Ce qui veut dire que leur développement est complètement arrêté jusqu’à ce qu’un ensemble de facteurs relancent leur croissance. La chaleur seule ne suffit pas à raviver les œufs en dormance puisque la luminescence, donc la quantité de lumière dans la journée, joue également un rôle pour mettre fin à la diapause. L’avantage de cette stratégie, c’est qu’elle permet aux œufs de rester plusieurs années en dormance, tant que les conditions environnementales ne leur sont pas favorables. “On peut avoir des œufs qui n’éclosent qu’au bout de cinq ans parce que leur gîte larvaire n’a pas été inondé les années précédentes.”, ajoute Bruno.

La deuxième stratégie est de passer l’hiver sous forme de larves. “Dans ce cas, le développement des larves est très ralenti, mais il reprend dès que les conditions environnementales le permettent. Si leur croissance est ralentie par le froid par exemple, elle reprendra dès qu’il fera un peu plus chaud.”. La glace ne les empêche pas non plus de respirer puisqu’elles peuvent utiliser les bulles d’air qui se forment en dessous. Les larves de Coquillettidia poussent la stratégie encore plus loin puisque, grâce à un siphon modifié, celles-ci peuvent absorber directement l’air contenu dans les tissus des végétaux.

Mais la stratégie qui reste la plus commune est de passer l’hiver sous forme adulte. Les moustiques se réfugient dans des zones abritées comme des caves ou dans des appartements et deviennent inactifs. Ainsi, les moustiques qui auraient survécu entre 3 et 4 semaines en été, survivent plusieurs mois en hiver. 

Jusqu’à présent, la prolifération des moustiques était limitée par le froid en hiver qui leur est fatal si celui-ci dure suffisamment longtemps. Mais à cause du changement climatique, les grands froids ne sont plus suffisamment intenses pour avoir un impact significatif sur les populations de moustiques. Ainsi, Bruno souhaite monter un nouveau projet Interreg, nommé TIGER 2.0. “Cette fois-ci, on va plus orienter le projet vers les sciences citoyennes où on va apprendre aux citoyens les gestes de prévention contre la prolifération du moustique tigre. On veut aussi leur proposer de poser des pièges à insectes dans leur jardin, leur expliquer comment identifier les moustiques tigres et utiliser ces données pour suivre l’évolution de la population de moustiques tigres en Alsace.”. Il espère obtenir les financements pour le projet en mars 2025. 

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