EDITO – Changement d’heure et désunion au sein de l’Union européenne
La réforme concernant le changement d’heure programmée par le Parlement européen pour 2021 est à l’arrêt. Des désaccords au sein des États membres et les nouvelles préoccupations qu’a apporté la crise de la Covid-19 ont, pour l’instant, permis de la reporter. Une question a été soumise aux citoyens européens via un sondage, mais est-il pertinent d’utiliser cette méthode pour ce type de sujet ?
Tous les citoyens européens devait s’exprimer sur la pertinence de la suppression du changement d’heure entre le 4 juillet et le 16 août 2018. Associer la société aux choix et orientations scientifiques est une des volontés de l’Union européenne. Cependant, donner la parole aux citoyens sans s’assurer qu’ils se sont informés au préalable des conséquences qu’impliquent leurs choix, est une aberration qui met en danger la démocratie et l’unité voulue par l’Union européenne.
Le sondage soumis aux européens ne donnait aucune information scientifique sur les implications de la suppression du changement d’heure. Seul un lien hypertexte renvoyait à une page qui décrit le contexte, les objectifs initiaux et une synthèse des résultats mitigés des études sur l’incidence du changement d’heure. De plus, le texte en anglais n’etait pas explicite sur les conséquences d’un choix vers l’heure d’été ou l’heure d’hiver conservé toute l’année, alors que le sondage questionnait les européens sur ce point. Ainsi, 56% des sondés ont répondu vouloir garder l’heure d’été si le changement d’heure était supprimé. Alors qu’au-delà du biais que constitue la période durant laquelle a eu lieu le sondage (en plein été) et la terminologie « heure d’été », il aurait été important de donner des exemples concrets pour chaque pays. En France, si l’heure d’été était conservée, le 21 décembre les premières lueurs du jour apparaîtraient à 9h18 à Strasbourg mais seulement à 10h06 à Brest !
Enfin, baser une décision européenne de cette importance sur un sondage dont 70% des répondants viennent d’un seul pays (en l’occurrence d’Allemagne), risque de multiplier ceux qui critiquent la suprématie de l’Allemagne sur l’Union européenne. Selon la commission européenne, si le changement d’heure est supprimé, il devra l’être dans tous les États membres. Chaque pays devra alors choisir entre l’heure d’hiver ou l’heure d’été. Ainsi, il faudra en plus du fuseau horaire, tenir compte du choix de chaque pays. Le paysage européen sera davantage morcelé, ce qui le rendra très peu pratique pour les frontaliers.
Le soleil, lui, poursuit sa course et la variation de la durée du jour se répète saisons après saisons. Le changement d’horaire permet de réduire le décalage entre l’éclairement naturel qu’offre le soleil durant l’année et notre rythme de vie qu’impose la société. Il est encore temps pour les européens de s’en rendre compte.